Imprimer cette page
Assurances agricoles : Nécessité de mettre au goût du jour les projets du Daca et du FGCA

Assurances agricoles : Nécessité de mettre au goût du jour les projets du Daca et du FGCA

Rédigé par Ahmed K. / Economie / lundi, 20 septembre 2021 14:54

Actualisation. Lors d’une rencontre technique sur l’assurance inclusive et le financement des risques, organisée récemment à Alger, des experts se sont penchés sur la question de l’actualisation du Daca afin de l’adapter aux événements des catastrophes naturelles de ces dernières années.

Le dossier de la réforme des assurances agricoles, plus précisément celui du Dispositif d’assurance des calamités agricoles (Daca), est tombé à point nommé avec les derniers incendies de forêts d’une rare violence. Du coup, une réflexion a été engagée ces derniers mois dans le but de remettre au goût du jour le concept du Daca dans la mesure où les catastrophes naturelles se sont dangereusement multipliées, dont les incendies de forêts et les inondations, entre autres.

Adapter le système des assurances agricoles aux calamités naturelles

Il est vrai que le changement climatique est une raison majeure de la fréquence des catastrophes naturelles, en plus des actions anthropiques qui n’ont fait qu’aggraver le problème des dégâts enregistrés dans l’agriculture et l’élevage. Lors d’une rencontre technique sur l’assurance inclusive et le financement des risques organisée récemment à Alger, des experts se sont penchés sur la question de l’actualisation du Daca afin de l’adapter aux événements des catastrophes naturelles de ces dernières années. Cela étant, en Algérie en matière de marché des assurances contre les calamités agricoles, selon les résultats provisoires relatifs à l’exercice 2020, deux principaux acteurs se partagent l’essentiel des risques agricoles. Il s’agit de la CNMA (plus de 67%) et, à moindre degré, la SAA (un peu moins de 28%). De leur côté, GIG Algeria (ex-2A), la CIAR, la Caat et Salama se partagent l’infime partie restante de ce marché (moins de 5%). Le marché de l’assurance agricole est partagé en deux types de catégories : les petits agriculteurs, intervenant soit individuellement soit en coopératives, et les grands agriculteurs en relation avec l’industrie agroalimentaire. D’emblée, il ressort que le marché de l’assurance agricole est très peu développé, en dépit du fait que le mutualisme aurait pu être un facteur d’adhésion des agriculteurs. Or, à ce jour, seuls 10% des agriculteurs souscrivent leurs contrats d’assurance, ce qui représente une part de marché dans le secteur des assurances de seulement 2%.

Le projet de Dispositif d’assurance des calamités agricoles (Daca) a été longuement évoqué dans la communication qui a été présentée par le consultant du Pnud en Algérie, en l’occurrence Naouri Mokhtar. Du reste, il a indiqué qu’il a été conçu et finalisé, en 2012, par le CNA mais non suivi d’effet. Il a indiqué que ce projet s’inspirait du modèle espagnol et prévoyait la mise sur pied d’une Agence qui s’occuperait de développer l’assurance agricole. Il a ajouté que l’avant-projet pour la création de l’Apra est fin prêt depuis huit ans.

Le conférencier a indiqué que le Daca devait remplacer le Fonds de garantie des calamités agricoles (FGCA). Contre toute attente, le FGCA a subi une réforme et le projet Daca est mis en stand by. M. Naouri a indiqué que le Daca gagnerait à être appuyé par une étude chiffrée tenant compte des besoins de financement, et a émis le voeu que cette étude menée dans le cadre du Pnud puisse aider à faire du Daca un projet d’avenir pour le monde agricole. En substance, la conférence de l’expert a d'abord donné des explications concernant les quatre risques majeurs qui menacent le secteur agricole (inondations, sécheresse, tempêtes et feux de forêts) ainsi qu’à la politique de prévention contre ces phénomènes. Dans son développement du deuxième point, le consultant met l’accent sur les produits d’assurances agricoles proposés par le marché algérien qui couvrent, de manière générale, uniquement les risques dits OPSNBVY, à savoir l’incendie, la grêle, etc.

Les risques ayant une ampleur catastrophique et causant énormément de pertes aux agriculteurs et aux éleveurs, tels que la sécheresse, ne sont pas garantis dans ces contrats d’assurance. Le troisième point, traitant du financement des risques de calamités agricoles, est le Fonds de garantie des calamités agricoles (FGCA), institué par l’État en 1988. Il a été gelé au début des années 2000, puis relancé en 2012, après avoir subi certaines réformes (coïncidant avec la finalisation du projet Daca). M. Naouri a rappelé que la gestion du FGCA était confiée à la CNMA, mais des dysfonctionnements ont fait que le Fonds a marqué le pas, vu que le nombre des sinistres s’accroissait avec le nombre des indemnisations.

Recommandations pour une assurance agricole inclusive et résiliente

Les participants ont proposé de faire la différence entre les exploitations dans les zones humides, arides et semi-arides, notamment pour la céréaliculture lors du traitement des cas. Comme pour l’assurance Cat-Nat, il est aussi suggéré un système à double volets avec comme assurance minimale financée par un dispositif public/privé et une assurance complémentaire financée par les assurés, outre la mise en place d’un partenariat public/privé impliquant l’ensemble des acteurs : État, assureurs, assurés, organismes scientifiques et de prévention, associations d’agriculteurs, etc. d’autres propositions ont été faites :
► la combinaison d’une double récolte des primes : par l’impôt indirect (taxes et autres, y compris sur les contrats d’assurance) et par l’assurance ;
► le passage d’un système d’aide en aval (indemnisation des sinistres) à un système d’aide en amont (par la subvention des primes d’assurance) ;
► la suppression de la condition de déclaration de zone sinistrée et son remplacement par un système fondé sur des données scientifiques élaborées par des organismes indépendants, la réorganisation de l’offre d’assurance des entreprises publiques en direction du marché des risques agricoles par la création de filiales communes, afin de renforcer les capacités d’assurance ;
► l’encouragement de la création de sociétés privées spécialisées en assurance agricole et, enfin, l’exploitation du concept Takaful pour apporter des solutions assurancielles aux clients réfractaires à l’assurance classique. Pour sa part, le représentant du CNA a proposé deux pistes d’amélioration qui ont été retenues dans les recommandations de ces travaux. Il s’agit de proposer aux agriculteurs l’exonération des assurances agricoles de la TVA (comme c’est le cas pour les assurances de personnes et la Cat-Nat).

Cette exonération concernerait uniquement l’assurance des cultures et du bétail, à l’exclusion des bâtiments et matériels. À la fin de la journée, il est fait lecture d’une vingtaine de recommandations. Celles-ci sont classées par thème et transmises dans le compte rendu final de la journée. Il est à retenir que les participants ont appuyé l’idée de relancer le projet Daca à travers la mise en place d’un ancrage juridique et la révision du cadre législatif du FGCA.

La deuxième proposition qui porte sur le projet de réforme propose de rendre obligatoire de souscrire une police d’assurance pour les agriculteurs. Selon M. Benhabilès, qui n’est autre que le premier responsable de la CNMA, le projet de réforme qui propose de rendre obligatoire de souscrire une police d’assurance pour les agriculteurs est « fin prêt et validé par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural ».

Cette réforme vise principalement à rendre tous les risques climatiques et sanitaires assurables en mettant en place des dispositifs en amont pour l’accompagnement des agriculteurs. Il s’agit, notamment, d’intégrer au préalable la gestion de la prévention des risques, en anticipant les sinistres et en apportant une contribution auprès des agriculteurs en matière de respect de l’itinéraire technique et des mesures de prévention contre les calamités agricoles. « Ces dispositifs, qui sont inscrits dans la feuille de route du ministère de l’Agriculture, vont donner une dimension économique à ce secteur, à travers des solutions pérennes et permettront d’avoir la primauté de l’économie à l’administratif », soutient M. Benhabilès.

L’assurance agricole deviendra ainsi, pour la première fois en Algérie, un élément déterminant dans la poursuite des activités et la sécurisation des revenus des agriculteurs, au lieu de faire appel au Trésor public pour les indemniser après chaque catastrophe naturelle ou sanitaire. Mais pour ce faire, le projet de réforme propose de rendre obligatoire de souscrire une police d’assurance pour les agriculteurs. Partant du principe que toute subvention des pouvoirs publics doit être obligatoirement assurée, il explique : « L’Etat intervient pour développer les activités agricoles, la moindre des choses est de sécuriser ces investissements. »

Toutefois, les agriculteurs peuvent bénéficier d’une subvention à l’acquisition des produits de l’assurance agricole pour les cultures stratégiques. « Si nous voyons les pertes subies et les sommes investies, nous trouvons qu’on aurait pu prendre une petite partie pour subventionner les agriculteurs (dans ce domaine) et mettre en place un système d’assurance plus fiable qui s’inscrit dans une logique économique plus pérenne et qui crée de la valeur », estime M. Benhabilès, soulignant que dans les pays à vocation agricole, les produits d’assurances sont lourdement subventionnés, à l’instar de l’Espagne et des Etats-Unis (pour les cultures céréalières). La généralisation des assurances agricoles à travers cette conception nouvelle va permettre de protéger des petites exploitations et des populations rurales, notamment celles exclues de la protection sociale.

TAGS