L’Algérie est en train de vivre l’un de ses moments les plus forts suite au mouvement populaire déclenché depuis le 22 février dernier pour dénoncer toute une conjoncture et tout un système. Mouvement qui a donné naissance à une série d’arrestations et de convocations pour auditions ciblant plusieurs personnalités de gros calibre.
Anciens chefs de gouvernement, anciens ministres, puissants hommes d’affaires, grands noms des services de sécurité et du renseignement, chefs de parti, chefs d’entreprise… personne n’est apparemment à l’abri d’être inquiété pour des affaires qui restent, pour le moment, tenues au secret jusqu’à nouvel ordre.
Les fortunes des personnes qui font l’objet de convocations ou de poursuites judiciaires sont à l’origine de la création de grandes sociétés de renom qui ont marqué l’esprit de tous les Algériens, à tel point que leurs premiers responsables ont acquis, dans les esprits, le statut d’invincibilité. C’est en rapport avec ces noms, entreprises et entrepreneurs, que plusieurs partenariats ont été contractés dans différents domaines et que l’argent public a même été engagé sous forme de crédits bancaires qui leur ont été consentis.
L’investissement étranger en Algérie, un risque ?
Souvent ces partenariats ont été conclus avec des firmes étrangères, qui ont bien voulu investir des fonds en Algérie, soit sous forme de groupements d’entreprises ou de contrats de sous-traitance. Les travaux publics et la construction ayant eu la part du lion dans ce schéma. Maintenant que lesdits groupes et entreprises nationaux se trouvent face à la colère populaire et au réveil soudain d’une justice qui était en hibernation jusqu’alors, il y a fort à parier que le climat politique instable actuel, qui répercutera sa crise, fatalement, sur la situation économique du pays, risque de déstabiliser les partenaires déjà engagés dans des chantiers à l’intérieur du pays. Une situation qui risque d’avoir un double impact négatif.
Premièrement, c’est une situation préjudiciable pour les entreprises partenaires qui risquent de faire face à des entreprises en situation de cessation de paiement, dans les cas où ces dernières feraient l’objet d’une liquidation judiciaire, ce qui réitèrera la même situation que celle du fiasco d’El Khalifa Bank. C'est-à-dire une liquidation pure et simple sans aboutissement ni recouvrement des créances et dettes, ainsi qu’une résiliation des contrats sans indemnités pour les parties contractantes. Un scénario catastrophe totalement pessimiste mais qui n’est pas du tout à écarter dans le cas où les autorités décident de ne pas user du droit de préemption pour maintenir un certain équilibre économique et social pour ces entreprises.
Le deuxième impact n’est autre que celui de l’enfoncement du clou du degré « risque pays » de l’Algérie qui serait, en théorie, plus important en rapport avec la période d’avant le Hirak, du fait de l’incertitude qui règne aux niveaux politique, juridique et social. Cette situation rend l’investissement étranger en Algérie, aux yeux de l’opinion économique internationale, aussi risqué qu’inopportun et ce, pour une période indéterminée. Si les partenaires algériens qui représentent l’élite de l’économie nationale, du secteur privé, se trouvent mêlés à des scandales financiers et politiques, avec la complicité de certaines parties censées représenter le centre de décision politique, et qui se trouvent être tous sous les coups de lourdes poursuites judiciaires, que reste-t-il donc de la crédibilité du système économique algérien ?
La question se pose particulièrement à un moment où la moindre ressource financière est devenue indispensable, du fait de la fluctuation, à tendance générale défavorable, des prix des hydrocarbures. La situation est d’autant plus complexe au vu des options prises par le désormais ex-régime en matière de grandes options économiques, à leur tête le financement non conventionnel, dont les tenants et les aboutissants ne sont encore ni claires ni prévisibles.
Trouver les solution idoines
Ainsi, c’est dans un climat politicoéconomique peu confortable que l’Algérie se doit de trouver les solutions afin de sauvegarder les partenariats déjà conclus et d’en rechercher de nouveaux, afin de continuer dans la lancée de la recherche et de la densification des ressources financières hors hydrocarbures, si véritable lancée il y a. D’ailleurs, c’est pour la concrétisation de cet objectif que les partenariats industriels ont commencé à être conclus avec de grands noms de l’industrie, dont l’industrie automobile est l’exemple phare pour redémarrer la machine industrielle algérienne avec, en prime, l’érosion des réserves de change que cela provoque.
Mais voilà que la justice frappe de tout son poing pour dérouler tous les dossiers des différents partenariats conclus, y compris ceux sur lesquels l’Algérie misait pour sortir de la crise financière. Pour revenir à l’exemple de l’industrie du montage automobile, tous les dossiers des partenariats étant passés au crible des enquêtes judiciaires, les importations liées aux industries sont systématiquement réduites, à défaut d’être stoppées, afin de laisser entendre que la place allait être réattribuée à l’importation des véhicules, signe d’un échec cuisant de la tentative de ré-industrialisation.Hormis le fait que cet état des choses nuit à la situation économique d’un pays qui n’arrive pas encore à se détacher de ses habitudes purement consommatrices, et au regard de la position indélicate dans laquelle les partenaires étrangers ont été induits malgré eux, il s’agit d’une situation particulière qui jette du discrédit sur le fonctionnement de tout un Etat qui se retrouve sous l’influence d’un groupuscule d’hommes d’affaires dont la majeure partie est appelée à rendre des comptes sur plusieurs faits.
A moins d’une véritable révolution dans le système politique, puisque chez nous c’est lui qui prime et qui conditionne toute l’orientation économique du pays, le discrédit en question risque de faire cesser plusieurs partenariats engagés et de faire reculer tous ceux qui voyaient en l’Algérie un pays à potentiel pouvant le hisser au rang des pays émergents. Tous les yeux sont maintenant braqués vers la scène politique, attendant patiemment de voir l’issue de la crise politique dans laquelle patauge le pays et qui entre dans son quatrième mois, car c’est la nature de cette issue qui déterminera l’issue de la situation économique. Du reste, et de façon générale, il n’y a pas matière à réfléchir, les partenariats existants ou futurs dépendent entièrement, au-delà des compétences et du potentiel existants à notre niveau, d’un environnement politiquement, juridiquement et économiquement stable.
Le nouveau grand chantier de l’Algérie est à ce niveau, c'est-à-dire la reconstruction d’un climat de confiance qui soit, à la fois, favorable à l’entreprenariat national dans les domaines à grand potentiel, sans recourir à des pratiques de malversation, et qui attire de réels investissements étrangers dans des domaines aussi développés que celui de l’industrie, voie qui reste toujours salutaire pour une économie à la recherche d’une solution de rechange à la dépendance aux hydrocarbures.