Un optimisme que le pays aura à payer chèrement puisque la nouvelle de la chute brutale des prix du pétrole à un niveau de prix très bas aura été le plus bas enregistré depuis la période critique de la fin des années 1990 car, l’on retiendra bien que le niveau actuel du baril de pétrole, c’est-à-dire en dessous de la barre des 25 dollars, est similaire à celui qui a été enregistré lors de la période allant entre juin 2001 et mai 2004. Une situation catastrophique pour l’Algérie qui se trouve dans une situation très critique.
Il faut dire que malgré toutes les attentes, le cours actuel aura provoqué une véritable onde de choc pour les pays exportateurs et pour l’Algérie en particulier qui, faut-il le rappeler pour la énième fois, est complètement dépendante de cette ressource qui devient de plus en plus un handicap pour le développement. Le fait est que le mode de gouvernance algérien tend plutôt vers un raisonnement de procrastination : tant que la ressource est disponible à un prix raisonnable, autant en tirer le maximum au moyen de budgets faramineux et de transferts sociaux dans le sens de l’éternel achat de la paix sociale. C’est ainsi que tout le pays se trouve dans une conjoncture qui semble être, pour une fois, l’une des plus complexes qu’aura vécue le pays depuis son indépendance et qu’aura à gérer un gouvernement des plus démunis en matière de solutions et de voies de sortie.
Pour rappel, le prix de référence qui a été retenu pour le compte de la LF 2020 prévoit un déficit de l’ordre de 8,5 milliards USD qui risque d’être creusé plus encore, à moins d’un miracle qui ferait monter les cours à un niveau qui fait rattraper tout l’écart provoqué avant la fin de l’année afin que les équilibres initialement prévus soient au moins réinstaurés (même en déficit). Un miracle disons-nous, c’est-à-dire une hausse de plus de 50 dollars pour une période similaire à celle de l’enregistrement du prix bas moins de 30 dollars. Ce fait est aussi à composer avec le taux de change retenu qui est de l’ordre de 123 dinars pour un dollar. Il y a vraiment à espérer que le fossé ne soit pas creusé, aggravant ainsi le déficit qui sera enregistré.
La pandémie de coronavirus, l’autre problème
Cela sans parler de la situation sanitaire dans laquelle la planète entière est en train d’endurer, c’est-à-dire la mise en oeuvre de tous les moyens pour lutter contre le Covid 19 qui est en train d’engloutir toutes les ressources humaines et financières, au détriment du fonctionnement de l’ensemble des autres domaines. Les gouvernements des pays touchés vont enclencher des actions protectionnistes à la fois pour contenir au maximum les foyers de la pandémie et pour la protection des entreprises, publiques et privées, afin de prévenir les faillites en chaîne qui sont prévues à la suite des fermetures forcées liées à cet état des lieux.
L’Algérie n’échappe pas à cette situation, sauf que celle-ci se présente pour notre cas avec une façon moins accentuée et moins grave que celle que l’on voit se propager en Europe ou aux Etats-Unis, par exemple. Mais le poids de la pandémie pèse, tout de même, très lourd sur l’état de l’économie avec toutes les mesures prises. A la suite de l’établissement de cet état des lieux, pour le moins très pessimiste, il est à se demander quelles sont les voies que prévoit la composante actuelle du pouvoir algérien pour la gestion de cette crise, car il faut se mettre à l’esprit qu’au vu de la situation, la sortie prendra certainement beaucoup de temps.
Des réformes urgentes s’imposent
Sans trop compter sur le miracle espéré, il y a lieu d’engager des réformes à large envergure et cela doit commencer déjà par notre conception de l’économie, qui, dans notre cas, est à caractère exclusivement rentier, pour intégrer de nouvelles bases telles que la rémunération de la valeur réelle du travail, l’encouragement de l’investissement rentable dans les domaines autres que ceux en relation, directe ou indirecte avec les hydro- carbures. Le changement est à effectuer à tous les niveaux afin de réduire la dépendance pour une réelle diversification, tout en prenant en considération les contraintes environnementales et celles liées à l’épuisement des ressources naturelles, c'est-à-dire en adoptant les tendances tournées vers le développement durable.
Pour ce faire, il est absolument indispensable d’abandonner la tendance qui a toujours régné en Algérie qui repose entièrement sur les solutions « roues de secours » qui ne s’inscrivent pas dans la durée, mais plutôt dans les courts termes avec comme base, le contournement des symptômes au lieu des causes, et la socialisation des dépenses publiques en faveur d’une paix sociale, la plus longue possible.
Il semble que la composante actuelle qui caractérise le nouveau gouvernement fait un peu l’exception par rapport à celles qui l’ont précédé, avec de nouvelles têtes qui transgressent avec celles qui ont toujours occupé la place au temps de l’ancien régime déchu. La création de ministères ou de ministères délégués tels que celui de la Micro-entreprise, des Start-up et de l'Economie de la connaissance, celui de l'Agriculture saharienne et des Montagnes, celui chargé des Incubateurs ou encore le retour du ministère délégué chargé des Statistiques et de la Prospective sont tous une traduction d’une volonté politique qui tend vers la recherche d’autres horizons pour l’économie de l’Algérie.
Si l’industrialisation a été un fiasco du fait des scandales liés aux différents dossiers des domaines y afférents, dont nous nous épargnerons les détails, elle devra, cependant, être bâtie et murie, puisque le plan gouvernemental adopté fait de l’industrie un cheval de guerre, les efforts sont à orienter vers l’agriculture, la pêche et les énergies renouvelables. Il s’agit de deux domaines qui représentent un gisement colossal du fait de la convenance parfaite du terrain en Algérie pour y investir. A ce propos, les ministères créés ne feraient que conforter ces domaines avec une bonne interaction et une bonne définition des rôles et des attributions.
Le mieux est à espérer à la condition de certains réaménagements et de certaines réformes au niveau des domaines de base qui sont la source de la production de véritables compétences, à même de conduire ce changement sans trop d’effets indésirables. Il est question ici des domaines de :
- l’éducation nationale, afin que celle-ci soit orientée vers la qualité de l’éducation et de l’enseignement pour une génération ancrée dans ses origines, dotée d’une éducation morale qui la prépare au travail et au sacrifice pour l’intérêt du pays, et c’est bien au niveau de l’école que cette éducation doit être dispensée ;
- l’enseignement supérieur, afin que celui-ci ne soit plus une usine à diplômés, mais bien un pourvoyeur de compétences prêtes à l’emploi dans les domaines qui servent la stratégie arrêtée pour le pays ;
- la justice afin que tout écart des règles de préservation des intérêts économiques du pays et des droits fondamentaux soit réprimé à juste titre, que ce soit du fait de malversations ou d’un manque de compétence.
C’est à partir de ces trois domaines que les pays à puissance économique ont bâti leurs principes conducteurs, c'est-à-dire les rails sur lesquels elles réalisent prospérité et développement économiques, amélioration du niveau de vie et justice, sur le plan social, et implication des citoyens sur les plans politique, institutionnel et associatif.
Relancer la machine économique
Il est impératif de disposer alors d’un projet de redressement de la barre vers une relance de la grande machine économique, un projet dont la planification ainsi que l’exécution doivent avoir un caractère à la fois de priorité et d’urgence, un projet à vision pour le moyen terme au moins.
La planification devra prendre en considération, d’une part, l’ensemble des facteurs internes et externes qui constituent la base de l’analyse stratégique, dont les moyens et ressources à la disposition des décideurs de l’Etat. D’autre part, elle comprend la feuille de route à mettre en oeuvre avec les objectifs à moyen terme et les résultats à atteindre à court terme.
Le plan d’exécution, quant à lui, doit prendre en compte les moyens par centre de responsabilité, c'est-à-dire par département ministériel, se déclinant du niveau centralisé vers celui des collectivités locales qui sont les centres de décision de base en face des décisions venant « d’en haut » ; il doit faire en sorte aussi de favoriser l’interaction entre les différents départements afin de réaliser une certaine synergie dont l’effet permet de pallier une grande partie des conflits qui peuvent découler de la diversité de l’autorité du point de vue fonctionnel. A ce propos, des niveaux d’arbitrage peuvent être mis en place afin de limiter les conflits d’autorité ou ceux liés aux pouvoirs d’engagement.
Enfin, si une question mérite d’être évoquée et mise à table pour discussion, c’est bien celle du financement de cette réforme et de ces changements. Il y a fort à penser, les ressources financières du pays étant insuffisantes pour mener les opérations y afférentes, que les autorités soient poussées à avoir recours aux financements internationaux, c'est-à-dire à l’endettement externe. Cette solution n’est pas à écarter.
D’ailleurs, cette éventualité est largement évoquée dans le milieu du gouvernement, dans la mesure où la discipline, la rigueur et surtout les contraintes qui caractérisent cette solution permettront de revoir plusieurs dispositions de financement à des conditions sévères, et qui ont été souvent discutés. Nous parlons ici de la question des transferts sociaux et des subventions qui pèsent lourd sur l’ensemble de la caisse de l’Etat. Il vaut mieux voir en cette solution une opportunité pour revoir la copie.
La composante, dans les circonstances actuelles, est extrêmement difficile à gérer, mais pas du tout impossible à réaliser.