Le marché pétrolier, en dépit de quelques signes positifs, peine à sortir les narines de l’eau. Des incertitudes planent toujours. La phase post-Covid-19 s’annonce décisive. Des chamboulements, énergétiques et géopolitiques, peuvent survenir. Le ministre de l’Energie, Abdelmadjid Attar, également président de la Conférence de l’Opep, appelle à un « optimisme prudent et mesuré ».
Les chiffres donnent le tournis. Le monde dénombre 55.350 forages pétroliers dans sa croûte, au plus bas depuis l’an 2000, et -23% (71.946) par rapport à 2019, selon Rystad Energy. L’agence norvégienne n’anticipe pas une prochaine « remontada » avant 2025. Depuis l’attaque du coronavirus, en décembre dernier, sept des plus grandes majors pétrolières (BP, Shell, Chevron, Total, Repsol, Eni, Equinor) ont diminué de 87 milliards $ la valeur de leurs actifs. Ahurissant ! A lui seul, le groupe Shell a comptabilisé une dépréciation de 16,8 milliards de dollars après impôts et après avoir révisé ses hypothèses de prix et les fondamentaux du marché. Total, lui, a enregistré des dépréciations de 8,1 milliards de dollars, dont 7 pour les sables bitumineux au Canada. Entre autres…
La compétitivité des renouvelables menace les énergies traditionnelles
Et pour rester dans le collimateur des flux financiers, les majors pétroliers pourraient être contraints d’effectuer une transition vers des produits et services plus rémunérateurs afin de continuer à générer des dividendes. A titre d’exemple, ExxonMobil, Chevron et les autres américaines tablent sur une pénurie de pétrole, voire un « peak oil », afin de créer une remontée drastique des cours au-dessus de 100 $. Un scénario qui n’est pas pour demain. Il faudra auxdits groupes attendre quelques petites années, mais cette patience pourrait s’avérer financièrement prolifique. Un dilemme en cache un autre. Pis encore, de l’avis de nombre d’analystes, les énormes dépréciations font partie d’une tendance de fond. La rapidité avec laquelle les énergies renouvelables deviennent compétitives met en danger les entreprises énergétiques traditionnelles et précipite la mue des compagnies concernées vers des énergies moins émettrices de gaz à effet de serre, comme l’électricité d’origine renouvelable, dont les revenus sont aussi plus prometteurs.
L’exemple de BP, qui annonce vouloir décupler ses investissements dans les énergies à faible émission de carbone d’ici à 2030, avec un repli de 40% de sa production d’hydrocarbures, est édifiant.
Aujourd’hui, la montée plus rapide que prévu des énergies renouvelables, les inquiétudes croissantes sur la crise climatique et la récente récession causée par la Covid-19 ont montré à quel point le secteur pétrolier est vulnérable.
Algérie : un baril d’au moins 60 dollars sur deux ans
Pour le continent africain, la Chambre africaine de l'énergie, lors de sa récente et première réunion avec son Comité du contenu local, a identifié la régionalisation du contenu africain comme une tendance clé à court et moyen termes. Avec le déploiement de la Zone de libre-échange continentale africaine et les premiers marchés pétroliers et gaziers à venir sur de nombreux marchés africains, le potentiel de faire évoluer le contenu local d'une perspective seulement internationale-locale est réel. Quant à l’Algérie, c’est la wait and see.
Le ministre de l’Energie vient d’annoncer que notre pays « aura besoin d’un baril de pétrole d’au moins 60 dollars sur une durée de deux ans afin d’équilibrer son budget ». On n’en est pas encore à ce stade. Le baril peut évoluer à un prix inférieur d’ici 2022, voire plus. Dans ce registre, Hicham Benamirouche, chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement, dira, statistiques à l’appui, que notre pays ne représente à l’échelle mondiale que 0.7% des réserves, 1,6% de la production et 1,4% des exportations de pétrole. En parallèle, prévient-il, « l’augmentation rapide des besoins énergétiques domestiques pèsera sérieusement sur les reliquats destinés à l’exportation dans les années à venir, dont certains scénarios prévoient un arrêt des exportations à l’horizon 2030 ».