«A quelque chose malheur est bon», c’est le cas de le dire s’agissant de l’avènement de la pandémie de Covid-19 qui a eu le mérite de réveiller les consciences des décideurs algériens. En effet, la crise sanitaire a dévoilé les problèmes récurrents d’approvisionnement, notamment en matériel médical et en produits pharmaceutiques nécessaires dans la lutte contre le virus, à savoir concentrateurs d'oxygène, masques, gants… Mais bien avant l’apparition du fameux virus, des médicaments essentiels ont manqué manifestement dans nos hôpitaux et officines, c’est pourquoi un ministère à part entière dédié à l’Industrie pharmaceutique a été créé en juin 2020, témoignant de toute l’importance et l’intérêt qu’accorde l’Etat à la sécurité sanitaire de l’Algérie.
Deux objectifs capitaux
Jouissant d’une assise déjà assez importante en matière de complexes et d’unités de fabrication de médicaments, le pays est passé à un autre stade plus important qui a consisté en la production de médicaments de qualité et de nouvelle génération, destinés non seulement pour satisfaire la demande nationale mais aussi pour passer à la phase de l’exportation. Dans le but de bien encadrer la nouvelle politique nationale relevant de l'industrie pharmaceutique, le président de la République a tenu à confier la responsabilité de la récente Agence nationale de sécurité sanitaire à deux éminences médicales et autorités scientifiques reconnues au plus haut niveau international, en l’occurrence, les professeurs Kamel Sanhadji et Elias Zerhouni. L'Agence est une « institution d’observation, de concertation, de veille stratégique, d’orientation et d’alerte en matière de sécurité sanitaire », précise le décret présidentiel n° 20-158 du 13 juin 2020, portant sa création. Elle est également chargée, en concertation avec les structures concernées, d'« élaborer la stratégie nationale de sécurité sanitaire et de veiller à sa mise oeuvre », tout en assurant la coordination des programmes nationaux de prévention et de lutte contre les menaces et risques de crises sanitaires. Cela étant, le premier objectif des autorités algériennes dans ce secteur hautement stratégique, considéré comme une chasse gardée sous l'emprise des grands laboratoires pharmaceutiques du monde, demeure celui de la production locale suffisante de médicaments afin de la substituer à l'importation et de la dépendance par rapport aux pays producteurs.
Dans ce même ordre d’idées, force est de constater que les premiers fruits de la politique de relance du secteur de l'industrie pharmaceutique commence à mûrir, puisqu’une baisse de la facture d'importation, avec une économie de 500 millions de dollars escomptée pour l'année 2021, a été enregistrée ainsi que le maintien de ce rythme les années à venir.
Des actions et des résultats
La nomenclature nationale des produits pharmaceutiques compte, désormais, 1.102 produits fabriqués localement et, donc, inscrits sur la liste des Dénominations communes internationales (DCI) tandis que le nombre des produits exclusivement importés s’élève à 247 produits. Du coup, dans ce cadre, les investissements futurs seront menés en privilégiant les médicaments à haute valeur ajoutée, autrement dit, les médicaments anticancer, les insulines et autres produits strictement importés de manière à couvrir 70% des besoins nationaux et à réduire les déséquilibres de la balance commerciale.
Aussi, il est question d’organiser la régulation du marché des médicaments à la lumière des développements des tendances des marchés national et international en ce qui concerne les différents produits pharmaceutiques. En vue de réduire la facture d’importation du secteur, le ministère veille à maîtriser les importations sans pour autant créer une situation de pénurie de médicaments. Parmi les mesures prises dans ce sens, figurent l’établissement de certificats de régulation et l’élaboration d’un nouveau cahier des charges pour l’importation, ainsi que la création d’une plateforme numérique afin de traiter les programmes de production et d’importation.
En outre, les responsables du département ministériel des industries pharmaceutiques comptent sur l’accélération de l’enregistrement des premiers médicaments bio-thérapeutiques similaires et des médicaments génériques pour mettre fin au monopole et réduire les prix des médicaments qui ne sont pas à la portée des malades à faible revenu.
D’ailleurs, depuis le mois de janvier de cette année, pas moins de 17 médicaments bio-thérapeutiques similaires ont été enregistrés pour la première fois en Algérie. Parmi ce qui a été présenté au président de la République, le plan de travail approuvé par le ministère, qui repose sur l’assurance de la fourniture de matériels pharmaceutiques, notamment les médicaments essentiels, avec une garantie économique de rendre ces matériels accessibles à tous les citoyens, ainsi que la mise en place d’un cadre réglementaire et le développement d’outils pour assurer la qualité, l’efficacité et la sécurité, en plus de consacrer l’industrie pharmaceutique nationale comme un secteur générateur de richesse.
Sur un autre chapitre, la réforme et la modernisation du cadre réglementaire de l’industrie pharmaceutique ont permis l’élaboration de 51 textes juridiques, dont 39 ont été promulgués. Ces textes visent à jeter les bases d’une nouvelle politique pharmaceutique. A cet effet, le ministre a évoqué les réformes organisationnelles qui doivent être menées d’urgence, telles que l’achèvement du décret relatif à la définition des substances pharmaceutiques et aux modalités d’établissement et de mise à jour du Code du médicament.
Plan d’action du gouvernement dans le secteur des industries pharmaceutiques
Le Plan d'action du gouvernement pour la mise en oeuvre du programme du président de la République prévoit une « meilleure sécurité sanitaire » portée par le secteur de l'industrie pharmaceutique, notamment à travers la réforme de la réglementation et la disponibilité des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux. Pour ce faire, le gouvernement compte poursuivre les réformes du cadre réglementaire et mettre en place un cadre assurant la qualité et la recherche et développement au titre des études cliniques et de la bioéquivalence pour les médicaments génériques, ainsi que de réguler et de moraliser l’activité de l’information scientifique et la publicité des produits pharmaceutiques. Il s'agit également d'adapter le cadre réglementaire « et de préciser les modalités d’établissement et de mise à jour de la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques, afin de répondre à la problématique de la confusion entretenue avec les compléments alimentaires et les produits de nutrition spécifique ».
La réforme concerne aussi, selon le document, la détermination de la liste des médicaments ne relevant pas de la prescription obligatoire afin de réduire le recours à l’automédication pouvant engendrer des tensions sur la disponibilité des produits pharmaceutiques. De plus, il est question de lutter contre le phénomène de la toxicomanie et de l’usage détourné des produits pharmaceutiques par la mise en place des commissions intersectorielles. L'autre aspect abordé dans le Plan d'action est celui d'assurer la disponibilité des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux à travers l’installation du comité des médicaments essentiels, l’anticipation du traitement des programmes prévisionnels d’importation ainsi que l’exploitation de la nouvelle plateforme numérique pour le traitement des programmes de production et d’importation et le suivi en temps réel de la disponibilité et l'anticipation des éventuelles ruptures par l’Observatoire national de veille sur la disponibilité.
Le gouvernement envisage également de mettre en place une veille stratégique sur la disponibilité des stocks de sécurité pour les produits finis et les matières premières au niveau des établissements pharmaceutiques, ainsi que d'assurer la qualité, la sécurité et l’efficacité des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux, à travers le renforcement du contrôle des établissements de production. Il est envisagé aussi la promotion de la fabrication locale des intrants et matières premières et la poursuite de l’encouragement des investissements orientés vers les produits utilisés dans le cadre de la lutte contre la pandémie Covid-19.
Le Plan d'action prévoit, en outre, de numériser et de dématérialiser les procédures d’enregistrement des produits pharmaceutiques, d’homologation des dispositifs médicaux et d’agrément des établissements pharmaceutiques, ainsi que la création de banque de données sur les prix à l'international pour la matière première, les produits finis et les équipements.