L’Algérie possède toutes les capacités humaines et matérielles pour entrer d’ici 20 ans dans le cercle des pays dits développés. Ce n’est pas un voeu pieux ou une utopie. Taïeb Hafsi, titulaire en management stratégique international des organisations à l’Ecole des Hautes études commerciales de Montréal, le croit dure comme fer, puisque c’est un challenge qui incombe à notre pays de relever. A la faveur de son intervention lors du colloque ayant pour thème : « Construire l’entreprise et construire le pays », organisé en juin dernier à Alger, l’universitaire n’a pas manqué de mettre en exergue les points marquants de son argumentation basée sur trois aspects clés, à savoir : les enjeux de la gouvernance d'entreprise dans un environnement où l'État joue un rôle central, la présentation de deux modèles de success story, l'un national (Red Med) et l'autre international (Ali Baba), et, enfin, le succès face aux géants, ou la position concurrentielle la plus appropriée pour les entreprises pour construire le pays.
Plaidoyer pour la mise en oeuvre d’une démarche « pragmatique » dans le cadre d’une vision à l’horizon 2040
l’horizon 2040 L’organisation de cet important rendez-vous auquel ont pris part une pléiade de personnalités du monde de l’entreprise publique et privée et de multinationales, des responsables d’institutions et d’organismes publics ainsi que des économistes de divers horizons est tombée à point nommé avec l’adoption de la nouvelle loi sur l’investissement. Pour le professeur Hafsi, qui a abordé sa conférence par une analyse de la situation économique du pays, il est arrivé au constat selon lequel il existe un vaste fossé entre la parole des décideurs et la réalité du terrain parlant du développement économique (foncier industriel, autorisations d’activité, subventions et aides à la compétitivité, encouragement de l’investissement).
Il a déclaré à cet effet que « la situation économique algérienne est paradoxale. Elle est à la fois problématique et encourageante. Le problème essentiel de l’économie est qu’elle n’est pas gérée, ou plutôt qu’elle est gérée de manière incohérente. Même si souvent bien intentionnés, les départements de l’Etat fonctionnant en silos, sans coordination, émettent des règles qui se contredisent et jettent le trouble chez les acteurs économiques ». Pour l’orateur, les grandes difficultés de l’Algérie viennent surtout de sa « gouvernance défaillante qui a provoqué des décisions opportunistes et populistes et empêche l’amorce d’un développement économique raisonnable ».
« Les nuisances bureaucratiques sont des freins importants. La plupart des problèmes pour l'économie sont de natures institutionnelles et organisationnelles », a encore souligné le Pr Hafsi mais non sans ajouter que pour encourager le développement, « il faut agir sur les institutions et les structures ». Cependant, il relève qu’il existe « de nombreuses entreprises de qualité, avec un mode de management adapté, ouvert sur l’expérience universelle mais aussi sur les valeurs locales ». « Il y a une créativité entrepreneuriale émergente importante », a-t-il remarqué au passage.
« L’Algérie peut prétendre à la réalisation d’une production intérieure brute correspondant à 75% de la moyenne européenne en utilisant deux plates-formes de classe mondiale : l’énergie renouvelable et la logistique, avec des industries de bas de gamme technologique florissante, des industries de haut de gamme en forte croissance et avec une agriculture moderne qui devra permettre la satisfaction à hauteur de 70% des besoins alimentaires de base du pays », telle est la vision globale de l’Algérie de 2040, d’après Taieb Hafsi. Pour ce faire, il est primordial de se faire accompagner par des valeurs chères à la population algérienne, à savoir la justice et la fraternité qui d’ailleurs devraient être « sacralisées » et érigées en « grands principes » de la Nation. Il faut également engager une réflexion sur la mise en place d’une structure économique qui simplifie les procédures et s’appuie sur une véritable décentralisation comme système de gouvernance ce qui constitue, en outre, une nécessité absolue, a-t-il cité, entre autres.
«Poursuivant sa plaidoirie le professeur a vivement incité les décideurs à encourager davantage les autorités des régions et les entreprises à prendre des initiatives, mais aussi au renforcement des centres de réflexion et de recherche au sein des institutions de l’État et à l’orientation des entreprises publiques vers des monopoles naturels et des industries émergentes, ainsi qu’à la réduction du soutien des prix des produits de première nécessité. Sur un autre chapitre, M. Hafsi a suggéré la création d’un corps de justice spécialisé en économie et l’enseignement de la matière économique à grande échelle à travers, notamment, les écoles et les médias.
Dans ce cadre, il se dit convaincu que la réforme de la structure économique est la locomotive de toutes les réformes, se référant l’expérience très réussie de la Chine qui a été menée depuis les années 70, qu’il a qualifiée à ce propos de « miracle ». Par ailleurs, en réponse à un participant à ce colloque sur l’intégration économique des pays du Grand Maghreb arabe, Hafsi a défendu le mode d’organisation économique de cet espace d’où l’énorme intérêt pour l’ensemble des pays de la région de consolider le rôle de ce « patrimoine » pour faire face à la conjoncture géopolitique qui caractérise actuellement le monde.