Comme chaque année ou presque, la rentrée sociale en Algérie suscite de multiples interrogations sur la manière dont elle sera abordée... d’un point de vue économique. Après quelques semaines de vacances et de farniente au bord de la mer, les Algériens sont priés de se remettre en scelle en ce moins de septembre, synonyme de dilemme : la crainte d’une baisse du pouvoir d’achat qui se sacralise et l’espoir d’une relance qui tarde à se dessiner !
Une rentrée des classes lourde de conséquences pour les ménages
A la suite d’un faux suspense nourri par le cafouillage du ministère de l’Education nationale, la date de la rentrée des classes, qui revêt désormais un caractère régalien, est enfin fixée en Conseil des ministres. Ce sera, donc, le 21 septembre que les élèves regagneront les bancs de l’école ! Mais une fois la date connue, la polémique qui en a résulté sur les réseaux sociaux laisse peu à peu place à une angoisse qui a gagné des millions de ménages algériens, ainsi que leur porte-monnaie.
Comment faire face aux lourdes dépenses liées à la rentrée, alors que l’inflation fait rage, frappant de plein fouet la filière des fournitures scolaires. En effet, la mercuriale est au plus haut en cette rentrée 2022. Chez les librairies et papeteries, les visages des parents sont fermés. Les prix sont scrutés, vérifiés... La pilule a du mal à passer. Il faut compter environ 90 DA pour le cahier de 96 pages contre 32 DA auparavant, et plus de 300 DA pour le registre le plus fin. Quant aux cartables et sacs à dos, leurs prix oscillent entre 3.000 DA en ce qui concerne les produits très bas de gamme et 12.000 DA pour un produit de bonne qualité. Avis aux petites bourses ! Selon les associations de protection du consommateur, la hausse inédite des prix des fournitures atteindrait dans certains cas les 150 % et serait principalement due à la hausse des prix du papier. D’autre part, le mal serait également imputable à un problème de licences d’importation, dont nous avons voulu en savoir davantage en contactant le ministère du Commerce, si ce n’est que nos sollicitations sont restées sans réponse. D’après Sofiane Louassa, membre de la Fédération algérienne de la protection du consommateur « Himayatec », la délivrance des licences d’importation ont accusé un retard conséquent. « Ces licences sont censées être octroyées à six mois ou plus avant le début de l’opération d’importation », a-t-il déclaré.
L’inflation, la baisse du pouvoir d’achat et les finances publiques...
Elle est l’une des conséquences principales de la guerre opposant la Russie à l’Ukraine et ses alliés. En 2022, l’inflation a atteint des records dans tous les pays du monde ou presque. En Algérie, les chiffres sont difficiles à arrêter. En mars dernier, l’Office national des statistiques indiquait un taux d’inflation de 3,2 % en Algérie. Un niveau largement dépassé depuis, notamment dans un contexte de pénurie et de hausse des prix ayant frappé nombre de produits de première nécessité comme les céréales ou les matières premières.
Ce phénomène économique touche particulièrement les marchés algériens, caractérisés par une déstructuration devenue systémique et qui ont du mal à s’organiser pour contrer cette inflation galopante, d’autant plus que les mesures et mécanismes de contrôle et de régulation sont loin d’être scrupuleusement mis en oeuvre. Au final, les conséquences sur le pouvoir d’achat des ménages algériens seront encore au rendez-vous à la rentrée. Malgré les mesures courageuses entreprises par le Gouvernement, à savoir l’augmentation du SNMG, l’exonération de l’IRG pour les salaires inférieurs à 30.000 DA et la création d’une allocation chômage, la stagnation des salaires et le gel des indexations, d’une part, et la dépréciation continue du dinar, d’autre part, pèsent lourd sur le budget des ménages moyens qui devront faire face à plusieurs postes de dépenses sur une allure inflationniste exponentielle. « Compte tenu des facteurs exogènes (inflation mondiale au niveau de nos partenaires commerciaux de 6% – 8%) et endogènes (faiblesse de l’offre domestique, monétisation du déficit budgétaire, dépréciation du taux de change du dinar et chaos des circuits de distribution), l’indice des prix à la consommation (IPC) d’Alger devrait se situer à 10 % en moyenne 2022 », explique l’expert international en macroéconomie Abderrahmi Bessaha, en analysant certaines dispositions liées à la Loi de finances complémentaire LFC 2022 promulguée le 7 août dernier.
Par ailleurs, et en attendant de trancher définitivement le dossier de la réforme du système des subventions pour un meilleur ciblage, ce soutien aux ménages les plus vulnérables, mais également à certaines filières industrielles et agricoles, décidé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, pèsera également lourd sur les finances de l’État. La LFC 2022 prévoit, à ce titre, des dépenses totales en hausse de 17,7% par rapport aux prévisions annoncées dans la Loi de finances LF 2022.
Selon notre expert, hormis l’explosion de la dette publique (du fait d’une conjoncture économique défavorable) et la situation critique des finances publiques (un déficit primaire de 322 milliards DA soit 1,3 % du PIB et un déficit du Trésor devant atteindre 18,6% du PIB en y incluant le déficit de la Caisse nationale de retraite), la LFC 2022 « contient un certain nombre de mesures d’ordre social (pour protéger les couches vulnérables de la population) et d’ordre structurel (pour améliorer l’offre domestique de blé et favoriser l’investissement dans le secteur des transports aériens). Malgré les dommages structurels causés à l’économie algérienne par les chocs pétroliers de 2014 et 2020 et la pandémie et un nécessaire ajustement, la LFC 2022 continue de porter une politique budgétaire expansionniste. »
Le dossier de l’importation automobile… au delà du réel !
Devenu presque une affaire d’État durant les 5 dernières années, le sempiternel dossier de l’importation automobile n’en finit pas de défrayer la chronique et d’alimenter les polémiques les plus farfelues. Et pour cause, la réforme du secteur automobile en Algérie n’a pas avancé d’un iota, depuis le démantèlement, en 2019, du segment du montage SKD-CKD et l’arrêt de l’importation. Une commission ad-hoc, trois ministres et autant de versions de cahier des charges après... Pas un agrément n’a été accordé aux concessionnaires automobiles ayant postulé auprès du ministère de l’Industrie pour démarrer une activité d’importation.
Si le secret de ce blocage institutionnel est l’un des mieux gardés dans l’histoire de l’économie algérienne, il n’en demeure pas moins que cette affaire a pris des proportions graves, car une bulle spéculative est aussitôt née sur le marché d’occasion, qui s’est transformée en une bourse de l’automobile, où la rareté de l’offre dicte sa loi sur les prix des véhicules. Une situation aussi cocasse que dramatique en résulte sur le marché algérien : les prix des voitures d’occasion atteignent des sommets, avec des hausses avoisinant les 100% pour certains modèles. Pire, la valeur d’un véhicule d’occasion avec dix ans de vétusté au compteur devient supérieure à sa valeur initiale lorsqu’il était à l’état neuf... De quoi vider les fourrières et donner une seconde vie à toutes les « roulottes ».
En effet, le manque de véhicules neufs sur le marché national est estimé à environ 1 million d’unités, à raison de 250.000 véhicules par an (importation et production confondues). Selon les données de l’Office national des statistiques, l’Algérie a importé, toutes marques confondues, plus de 87.000 véhicules neufs. Face au silence du Gouvernement et en attendant que les pendules soient remises à l’heure par qui de droit, les spéculations sur la date du déblocage de l’activité d’importation vont bon train, au grand dam des utilisateurs qui ne trouve pas chaussure à leur pied, d’une part, et au grand bonheur des concessionnaires multimarques et autres intermédiaires et spéculateurs, qui monopolisent le secteur et réalisent des plus-values défiant toute logique commerciale.
Un remaniement gouvernemental au goût d’inachevé ou celui de la dernière chance ?
Chose promise, chose due ! Le remaniement gouvernemental annoncé par le chef de l’État durant l’été a bien eu lieu. Mais force est de constater que ce mouvement dans la formation de l’Exécutif a laissé la population sur sa faim. Elle qui s’attendait à un changement massif et plus large dans la composition des ministres a dû se satisfaire par un remaniement partiel, n’ayant touché que cinq secteurs. En effet, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a choisi de continuer à accorder sa confiance au Premier ministre Aïmene Benabderrahmane et ce, après 14 mois depuis sa première nomination au palais du Docteur Saâdane.
Cependant, il a opéré des changements au niveau des départements de la Santé, l’Intérieur, l’Enseignement et la Formation professionnels, le Transport, les Travaux publics et l’Industrie pharmaceutique. A noter également que le ministère des Ressources en Eau, le ministère délégué chargé des Micro-entreprises ainsi que le ministère de la Transition énergétique ont, quant à eux, été jumelés respectivement avec les ministères des Travaux publics et l’Hydraulique, l’Économie de la connaissance et les Start-up, ainsi que l’Énergie et les Mines.
Ayant par le passé évoqué quelques dysfonctionnement dans le fonctionnement de l’appareil gouvernemental, le président avait expressément déclaré, lors de ses entrevues cycliques avec la presse, que le rendement de certains ministères n‘était pas suffisant et qu’il attendait davantage de l’action gouvernementale, compte tenu des instructions qu’ils donnaient en conseil des ministres. Une situation qu’il disait ne pas tolérer, au vu des engagements qu’il souhaite tenir, enfin, de l’urgence relative à la relance économique et industrielle, et vis-à-vis de certaines réformes qu’il juge importantes voire vitales pour la bonne marche du pays.