« Conscients de la conjoncture délicate et des développements effrénés sur la scène internationale et des signes de l'état actuel de polarisation qui augurent d'une reconfiguration des rapports de force, avec tous les dangers que cette situation fait peser sur notre sécurité nationale et sur la stabilité de nos patries, et ce qu'elle nous dicte comme impératif de fédérer nos efforts pour préserver nos intérêts communs et se positionner en tant qu'acteur influent et agissant pour dessiner les contours d'un nouvel ordre international basé sur la justice et l'égalité souveraine entre États. » Cet extrait de la Déclaration d’Alger, document stratégique et nouvelle feuille de route de l’action commune arabe, ayant sanctionné les travaux du 31e Sommet arabe, résume, à lui seul, l’esprit dans lequel se sont déroulées les réunions. Dans les travées du CIC Abdellatif-Rehal, les dossiers économiques se négocient à plusieurs, voire en sessions bilatérales. La pandémie mondiale et la guerre en Ukraine semblent avoir extirpé tout le monde d’un long sommeil.
Un potentiel énergétique énorme
Avec un PIB annuel global de 2.490.734 millions d’euros, une population de plus de 440 millions d’habitants, les pays arabes prennent peu à peu conscience de leur poids sur la scène géoéconomique mondiale. Au-delà de sa position stratégique qui fait d’elle le carrefour commercial du monde, la zone arabe abrite quelques-uns des pays les plus puissants en matière de ressources énergétiques, notamment en pétrole et en gaz, mais également en matière d’ENR.
L’Arabie saoudite est le deuxième producteur mondial de pétrole avec une production d’environ 11 millions de barils/jour. L’Irak est au 6e rang avec plus de 4,6 millions de barils/jour, sans oublier les Emirats arabes unis (près de 3 millions de barils/jour), le Koweït (2,6 millions de barils/jour), la Libye (1,2 million de barils/jour) et l’Algérie (plus d’un million de barils/jour). En ce qui concerne le gaz, la donne n’est pas vraiment différente, avec de très importantes réserves prouvées au Qatar, en Arabie saoudite et en Algérie.
Des défis économiques et un destin commun
Avec près de 500 millions d’habitants, les pays de la zone arabe prennent conscience qu’il n’est plus possible de laisser de côté la question de la sécurité alimentaire. Une thématique qui s’est taillée la part du lion lors des réunions du Conseil économique et social de la Ligue arabe (CESA). Elle est, en effet, devenue en l’espace de quelques mois la mère de toutes les problématiques à la suite de l’explosion des prix des céréales et la rupture des chaînes d’approvisionnement, du fait de l’enlisement du conflit russo-ukrainien. Et pour cause, la zone en question compte cinq pays figurant dans la liste des plus gros consommateurs de blé au monde. Il s’agit de l’Egypte, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et le Soudan. Leur facture d’importation annuelle globale de céréales avoisine les 30 milliards de dollars en 2021-2022. Selon des experts, les pays arabes disposent de 200 millions d’hectares de terres arables, dont seulement 5% sont exploités.
Au cours des discussions du CESA, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheït, a souhaité que les pays arabes adoptent une stratégie commune pour affronter d’une manière collective les défis liés à la sécurité alimentaire en Afrique du Nord et Moyen-Orient en « mobilisant toutes les potentialités arabes ». De son côté, le secrétaire au commerce international auprès du ministère de l’Economie des Emirats arabes unis, Juma Muhammad Al Kaït, a déclaré qu’Abu Dhabi s’engage à soutenir les cadres de la coopération arabe en matière de sécurité alimentaire et à examiner les perspectives de domicilier les chaînes d’approvisionnement alimentaire « en tirant profit de la complémentarité des potentialités économiques des pays arabes en la matière et de leurs capacités pionnières dans le domaine de la logistique, de l’agriculture et des industries agroalimentaires ». « Il est nécessaire de porter l’intégration économique et commerciale à des niveaux avancés qui renforceraient la résilience de nos économies arabes et leur capacité à créer de nouvelles perspectives de croissance et à faire face aux défis actuels », a-t-il déclaré.
Réactiver la Gzale et lancer l’Union douanière arabe
Les Etats arabes réunis dans le cadre du 31e Sommet arabe à Alger ne veulent plus se voiler la face. Dans les couloirs du CIC, les intervenants et experts que l’on croise et que l’on interroge sur la nature de la coopération économique panarabe sont plutôt unanimes : « Il faut aller vers des modèles intégrés dans tous les secteurs. »
Le Sommet d’Alger est en réalité une ode au marché arabe commun qui tend les bras aux pays arabes. Ce qui les motive par-dessus tout, c’est l’existence d’un certain nombre de mécanismes qu’il conviendrait de réactiver ou relancer. Car au sein des assemblées, le projet d’intégration est perçu comme une chance non exploitée... Qu’il s’agisse de liberté de déplacement des personnes et des capitaux, mais également de résidence, de travail, de transport et transit, ce qu’il en ressort en substance c’est qu’il est temps pour les pays arabes d’oeuvrer ensemble dans le sens de la levée de toutes les barrières économiques pour libérer les initiatives, à leur tête les investissements.
Outre la sécurité alimentaire, 24 clauses portant sur plusieurs questions, dont le développement de la Grande zone arabe de libre-échange (Gzale), ont été prises à bars-le-corps par le CESA. Cette zone qui regroupe 18 pays ne satisfait toujours pas aux attentes qui ont été placées en elle, malgré un potentiel intrinsèque aussi confirmé que prometteur. La Gzale est un accord commercial dont l'ensemble des pays membres couvre un territoire de 11,46 millions de km² et compte environ 421,49 millions d'habitants. Cela représente 7,6% de la surface habitable mondiale et 5,4% de la population mondiale. Avec une performance économique de 2.763,66 milliards de dollars par an, elle représente environ 2,9% de l'économie mondiale. La valeur de toutes les marchandises exportées par les18 pays membres s'élevait dernièrement à 736,41 milliards de dollars par an.
Interrogé par L’ACTUEL au sujet de l’ancrage de l’Algérie au sein de cette zone, le vice-directeur général de la Gzale au sein du ministère du Commerce et de la Promotion des exportations, Abdelaziz Boucha, a rappelé que le pays « peut exploiter les potentialités disponibles à travers l'amélioration de la compétitivité du produit algérien, le renforcement du tissu industriel et la consécration de la culture de la production destinée à l'exportation auprès des opérateurs économiques algériens, une démarche devant permettre à l'Algérie de renforcer sa place et sa présence dans les marchés arabes. »
La secrétaire générale adjointe de la Ligue arabe, Haïfa Abou Ghazala, a, quant à elle, insisté sur l'obligation faite pour le CESA de mettre en place un mécanisme obligeant les pays membres à appliquer ses décisions relatives à la Gzale. La finalisation des procédures de ratification de la convention relative à l'organisation du transport et les coûts de passage entre les pays arabes, en prévision de la mise en oeuvre de la Gzale, sont également parmi les décisions prises, a indiqué la même responsable. Enfin, Mme Abou Ghazala a annoncé la tenue d’un Sommet économique des États arabes en 2023, en Mauritanie.
Par ailleurs, l'économie numérique, les usages pacifiques de l'énergie atomique et la coopération spatiale arabe, la question des investissements, la problématique de l'économie informelle, le e-paiement, le développement des techniques de gestion des terres, ainsi que l'amélioration des pâturages dans les Etats arabes ont été également abordés par les experts puis les ministres du Commerce et des Finances arabes lors du CESA.