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Youcef Benmicia, P.-dg de la CAAT : « L’industrie des assurances est l’une des plus résilientes au monde »

Youcef Benmicia, P.-dg de la CAAT : « L’industrie des assurances est l’une des plus résilientes au monde »

Rédigé par Kheireddine Batache / Entretien / jeudi, 21 mai 2020 07:49

La CAAT (Compagnie algérienne des assurances) souffle fièrement sa 35e bougie. Leader sur le marché national des assurances, elle n’est autre que le deuxième plus important assureur en termes de chiffre d’affaires en Algérie. Une place de dauphin que la compagnie doit grandement à la stratégie de développement payante, mise en oeuvre durant les 5 dernières années, et qu’elle compte poursuivre. Son président-directeur général, Youcef Benmicia, a choisi L’ACTUEL pour marquer d’une pierre blanche cet heureux évènement. Entretien exclusif !

L’ACTUEL : La CAAT fête fièrement ses 35 ans cette année. Pouvez-vous, en quelques chiffres, retracer les grandes lignes de l’évolution de la compagnie durant ces cinq dernières années ?

Youcef Benmicia : Je vais commencer par citer ce que j’ai dit lors de la célébration du 30e anniversaire de la CAAT. J’avais alors, en guise de clôture de mon allocution, donné rendez-vous pour la célébration de ce 35e anniversaire. Eh bien, les circonstances actuelles font que ce ne sera qu’un rappel symbolique. Mais ne pas célébrer ne signifie pas oublier. Et la manière dont je vais honorer ce rendez-vous, c’est celle qui consiste à rappeler ce que nous avons accompli durant les 5 dernières années, car c’est le cap qui a été fixé en 2015.

Cela m’amène à parler de la performance par l’évolution, qui aura été le credo de notre compagnie, conjuguée à un saut qualitatif et quantitatif observé à différents niveaux, à commencer par les agrégats financiers : un chiffre d’affaires en hausse de 19%, passant de 20 milliards DA à 24 milliards DA. Notre capital social, élément clé de la solvabilité et de la solidité financière, a été augmenté de 74%, passant de 11,4 milliards DA en 2014, puis à 16 milliards DA en 2015, jusqu’à atteindre les 20 milliards DA en 2018.

Les capitaux propres ont également progressé de 33% et le résultat a fait un bond de 76%, en passant de 1,57 milliard DA à 2,77 milliards DA en 2018. Je citerai, enfin, deux importants indicateurs de santé financière dans le monde des assurances, à savoir les placements de la société, qui ont augmenté de 20%, et la marge de solvabilité, qui est passée de 19 milliards DA (2014) à 26 milliards DA (2018), soit une hausse de 31%. Les indemnisations de sinistres ont, quant à elles, grimpé de 25% durant la période de référence.

Forte de ces chiffres, la CAAT revendiquait en 2018 une part de marché équivalant à 19,4%, contre 17,3%, soit plus de 2 points gagnés en l’espace de 5 ans. Une performance dont l’ensemble du personnel et moi-même retirons une certaine fierté. Mais au-delà de l’aspect financier et technique, je tiens à préciser que notre compagnie s’est largement réorganisée et a étendu son réseau de distribution, en créant deux nouvelles directions régionales (succursales), à Tlemcen et Sétif, qui portent le total des succursales au niveau national à neuf. De nouvelles agences et agents généraux sont venus renforcer notre réseau. Nous comptons actuellement 173 points de vente contre 153, cinq années auparavant.

Dans ce cycle d’évolution, l’innovation tient également sa place, dans la mesure où nous avons créé de nouveaux produits et services d’assurance, notamment en matière d’assistance (automobile, domiciliaire, professionnelle, etc.), de packs et d’offres spécifiques comme les multirisques professionnelles ou le risque agricole. En interne, la CAAT s’est attelée à plusieurs chantiers en lien avec notre capital humain, pour moderniser et redynamiser notre activité. Il s’agit plus concrètement de la formation, de la revalorisation de la ressource humaine, la révision des procédures, la maîtrise et la consolidation des systèmes d’information, etc.

Enfin, nous avons également amélioré l’aspect commercial de notre travail, en mettant à la disposition de notre réseau et de nos clients, pour gagner en proximité, des agences modernes et des moyens de paiement digitaux, que ce soit par TPE (terminal de paiement électronique) ou par le biais du E-paiement. La CAAT peut se prévaloir, d’ailleurs, d’être parmi les premiers E-fournisseurs agréés.

Le monde traverse une crise sanitaire (Covid-19) sans précédent qui rend vulnérables tous les secteurs économiques ainsi que l’ensemble de leurs chaînes de valeurs ; qu’en est-il pour celui des assurances en Algérie ?

Cette crise sanitaire a pour particularité son effet de surprise, qui a pris de court même les experts les plus avisés en matière d’anticipation de l’ampleur des dommages. Autant dire que le secteur a été touché de plein fouet. Bien entendu, le rôle d’un assureur est justement de gérer et de prendre en charge des risques qui représentent son cœur de métier. D’abord, en amont, de par les effets intrinsèques à la pandémie. Puis en aval, à cause des conséquences inhérentes à sa propagation, ayant amené les gouvernements du monde entier à prendre des mesures exceptionnelles pour tenter de ralentir la propagation de ce fléau. Celles-ci ont mené à une rupture totale ou partielle de certaines chaînes de valeur, notamment dans le transport, le tourisme, le commerce ou l’industrie.

La suspension de la quasi-totalité des activités économiques se répercute inéluctablement sur celle des assurances, dont le développement est lié à la capacité et au dynamisme des autres à travailler et à produire des biens et services pour faire vivre leurs marchés respectifs. Mais quand bien même, le secteur sera impacté, nous devons continuer à protéger les personnes et les biens ainsi que les secteurs vitaux, nécessaires à la préservation de la vie humaine, comme l’énergie, l’agriculture ou la santé, car il s’agit-là de notre mission et il y va de notre devoir de l’accomplir. C’est, donc, une bataille d’avant-garde que livrent les assureurs contre le Covid-19 et ce, en dépit du manque à gagner enregistré au 1er trimestre 2020, qui n’est certes pas encore très alarmant.

En effet, au 31 mars, le secteur a enregistré une baisse du chiffre d’affaires de l’ordre de 6,5%. Les deux branches d’assurances qui ont été sévèrement touchées sont l’automobile (-10%) et les assurances de personnes (-14%). Un manque à gagner estimé à 80% est aussi à déplorer sur d’autres types de prestations comme les assurances voyage. S’ajoutent à cela les questions de solvabilité de certains assurés et des clients potentiels, qui ont dû revoir à la baisse leur prétention en matière d’achat des couvertures d’assurance, et auprès de qui il a été noté une recrudescence des impayés. La hausse des créances pourrait générer des difficultés de trésorerie pour les assureurs. Cette situation, si elle perdure, amènera certaines compagnies à faire appel à leur épargne, c’est-à-dire les placements financiers, pour payer les sinistres et les frais de fonctionnement. Mais globalement, le secteur des assurances reste l’un des secteurs les plus résilients au monde, notamment grâce à un aspect qui n’est pas très connu. Il s’agit des investissements dans l’économie, sous forme de placements financiers et immobiliers ou de prises de participations.

Pouvez-vous nous faire un état des lieux rapide des décisions prises en interne pour stabiliser la situation de votre compagnie et la protéger des fluctuations d’ordre macroéconomique imposées par la conjoncture ?

Nous n’avons pas lésiné sur les moyens si c’est ce que vous cherchez à savoir. Plusieurs mesures barrières ont été prises en interne au niveau de la CAAT afin de protéger l’ensemble de notre personnel, mais également nos clients. Nous avons mis à exécution le dispositif édicté par les autorités. Dans ce cadre, une bonne partie de notre personnel a été libérée, sans que cela puisse diminuer de notre engagement vis-à-vis de nos assurés. Nous sommes restés mobilisés pour répondre à leurs besoins, en assurant une continuité dans la gestion de leurs dossiers (sinistres, renouvellement de contrats, assistance et renseignements, etc.)

Par ailleurs, des dispositifs exceptionnels ont pu voir le jour au niveau de la CAAT, comme le télétravail et la possibilité pour celles et ceux qui occupent des postes clés de gérer leurs équipes en toute autonomie. Parallèlement à cela, nous avons réduit les réunions non essentielles et décidé de décentraliser la prise de décision sur un ensemble de procédures et de process. Enfin, les moyens que nous offrent notre système d’information et les TIC ont été mis à la disposition de nos collaborateurs, leur permettant de travailler à distance. Ce n’est plus à eux de se rendre au bureau, mais c’est à nous de leur fournir les moyens d’en disposer chez eux, en quelque sorte.

Quelles sont les mesures prises par la CAAT afin de permettre à ses clients, particuliers et professionnels confondus, de se sentir « en sécurité » durant cette période difficile ?

Tout d’abord, il y a eu la participation, à l’instar du secteur des assurances, à l’élan de solidarité nationale qu’a connu le pays, au travers d’importantes contributions financières versées sur les comptes ouverts auprès du Trésor, tout comme les dons d’équipements et d’ambulances financés par la congrégation des assureurs. Même les travailleurs de la CAAT ont contribué à ce mouvement de solidarité.

A la CAAT, nous avons misé sur la sensibilisation sur les mesures barrières connues de tous et sur la communication en faisant appel à la technologie. Le but étant de dématérialiser, par le biais de la digitalisation, un maximum de services pour réduire les déplacements et les contacts.

C’est ainsi qu’un plan de continuité de l’activité a été déclenché pour permettre aux clients de bénéficier de nos services en réduisant le risque de contamination. Nous avons aussi mis en place une cellule de crise pour le suivi de l’évolution de la pandémie Covid-19. Par ailleurs, au niveau de l’UAR (Union algérienne des sociétés d’assurance et de réassurance), plusieurs mesures ont été prises, en coordination avec notre ministère de tutelle, afin d’apporter notre aide à la région de Blida par exemple. Lorsque celle-ci se trouvait à la merci d’une longue période de « mise en quarantaine », il a été décidé de prolonger automatiquement les contrats d’assurance automobile et les contrats d’assurance voyage arrivant à échéance.

Des assureurs algériens plaident pour la mise en place d’une police couvrant les pandémies et les crises sanitaires ; un projet qui rejoint un débat mondial (le directeur général d’Axa, Thomas Buberl, planche sur un fonds catastrophe pour rembourser les risques occasionnés par le Covid-19). Est-ce que la CAAT en fait partie ?

Je vous le dit clairement, nous sommes favorables à la mise en place d’un système ou régime d’assurance couvrant ces pandémies et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, il s’agit-là du meilleur moyen pour le secteur des assurances d’appréhender ce genre de phénomènes nouveaux grâce à la mutualisation des risques, tout en évitant qu’un sinistre catastrophique n’occasionne aux assureurs de lourdes pertes. Face à l’ampleur des pertes occasionnées, l’assurance peut contribuer, même partiellement, à une indemnisation permettant au moins aux commerces et professions touchés de maintenir leur activité. Il faudra, bien entendu, réfléchir à cela de manière globale car la problématique se pose en termes de conditions et de modalités d’indemnisation d’une perte qui n’est pas techniquement assurable, en l’absence d’un dommage matériel. Mais il se trouve que nous avons déjà une expérience similaire en Algérie. Il s’agit du système d’assurance contre les effets des catastrophes naturelles qui existe depuis 2003, et auquel nous avons collaboré à sa conception.

Je pense qu’il est tout à fait possible de s’en inspirer car il combine le principe de la technique d’assurance et de la solidarité par l’intervention de l’Etat garant de l’équilibre financier du système. Nous avons d’ailleurs au sein de l’UAR formulé, en direction des pouvoirs publics, une proposition allant dans ce sens. Même si rien ne vaudra jamais la préservation de la vie humaine, le niveau des pertes d’exploitation est trop important pour rester les bras croisés.

Compte tenu de la nouvelle configuration économique en lien étroit avec le changement climatique et le défi écologique, qui accentue le risque de catastrophes naturelles et sanitaires, pensez-vous qu’un tel produit devienne incontournable sur le marché à moyen terme ?

Incontournable n’est pas le mot qui convient, car la possibilité de couvrir de tels risques n’est pas à la portée de tout le monde. Mais le plus important, c’est qu’il ait une implication de l’Etat. La décision n’appartient pas seulement aux assureurs. Il y a lieu de signaler aussi que ce genre de produit ne peut pas être pris en charge par les seules sociétés d’assurance, pour des raisons de capacités financières et de rentabilité économique.

Y-a-t-il des produits qui connaissent une hausse de la demande chez vous durant cette période ?

A contrario, au cours du 1er trimestre 2020, nous avons enregistré un recul dans la plupart de nos produits, tel que je vous l’ai précisé auparavant. A titre d’exemple, l’assurance engineering a baissé, au même titre que l’assurance automobile et transport. Il faut avouer que l’activité a connu un ralentissement, à l’instar des autres secteurs.

Lors de l’exercice 2017-2018, vous revendiquiez une évolution de 10% de votre résultat net ; quels ont été les ingrédients de ce succès ? Est-ce que cette tendance haussière s’est-elle maintenue en 2019 ?

Jusqu’à ce jour, les organes de gestion n’ont pas encore arrêté les comptes de l’année 2019. Ils ne sont, donc, pas officiels. Mais je peux, néanmoins, vous dévoiler que la CAAT a augmenté son chiffre d’affaires malgré une année difficile sur le plan socio-économique. Le volume des indemnisations a augmenté de manière substantielle par rapport à 2018. Cela tient avant tout à notre volonté d’honorer nos engagements et à la particularité de notre portefeuille clients, constitué principalement de « grands risques ».

Cependant, et même si nous allons dégager un bénéfice, la tendance sur le résultat n’est pas la même qu’en 2018 et 2017, car le volume des indemnisations a été beaucoup plus important, sans oublier la revalorisation des salaires dans le cadre de l’application de l’accord collectif signé avec le partenaire social.

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