Comme dirait l’autre, quand la Chine tousse c'est le monde qui s'enrhume. Du coup, la situation devient extrêmement tendue dès que le mot coronavirus s’invite à la conversation. A l’instant où nous mettons sous presse, le dernier bilan de l’épidémie fait état de plus de 1.000 décès, quasi exclusivement en Chine, dans la province de Wuhan, ainsi que plus de 43.000 personnes contaminées, uniquement en Chine aussi.
La rumeur a fait le buzz
En Algérie, la rumeur gagne les esprits depuis que les réseaux sociaux s’enflamment à la moindre alerte, à l’image de ce vent de panique qui a sérieusement secoué l'hôpital El Kettar le 3 février dernier. Et pour cause, l’information s’est répandue comme une trainée de poudre par le truchement d’une vidéo devenue vite virale faisant état de l'admission de ressortissants chinois qui seraient atteints du virus du coronavirus dans cet établissement hospitalier spécialisé dans les maladies infectieuses.
Fort heureusement, il s'agissait tout simplement de trois personnes de nationalité chinoise, résidant dans la capitale, qui se sont présentées à l’hôpital avec de la fièvre. Néanmoins, après consultation, ces dernières ont quitté les lieux sans plus.
D’ailleurs, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a assuré récemment qu’aucun cas suspect ou confirmé de coronavirus n’a été enregistré chez nous. Aussi, des mesures préventives ont été prises bien avant les premières alertes de l'OMS et ce, en installant un dispositif strict de renforcement de la surveillance, notamment aux postes frontaliers, à l’exemple des caméras thermiques de contrôle placées au niveau de tous les aéroports mais également aux postes frontaliers terrestres et maritimes.
Par ailleurs, une cellule de veille a été mise en place au ministère de la Santé en plus de la réactivation du Conseil sanitaire spécial qui établit un point de situation quotidiennement. Idem du côté de la direction centrale du Département de la santé militaire qui a pris de grandes précautions pour lutter contre la propagation du coronavirus, en installant un dispositif d’alerte sanitaire permanent pour surveiller les épidémies.
L’impact du coronavirus sur l’économie algérienne
Toutefois, ce qui inquiète encore plus les pouvoirs publics algériens c’est le fait que l’avènement du coronavirus est venu jouer « les trouble-fêtes » dans les prévisions de recettes surtout des hydrocarbures qui, du reste, sont très perturbées à cause des effets négatifs dus à la crise mondiale causée par le fameux virus chinois. En effet, la propagation du coronavirus a provoqué un chambardement dans le marché des pays de l’Opep, particulièrement ceux dépendant de la croissance économique chinoise. De ce fait, les membres de l’Opep et leur allié russe se sont réunis en urgence à Vienne pour trouver les voies et moyens susceptibles d’enrayer l'effondrement des cours du brut face à la forte baisse attendue de la demande mondiale de l’or noir.
L’Algérie est, donc, concernée au premier chef par cette mauvaise nouvelle surtout que son économie est déjà très fragile ces derniers mois en raison de la situation socio-politique qui prévaut depuis quelque temps dans notre pays. Selon Philippe Chalmin, économiste, professeur à l’université Paris-Dauphine et fondateur du Cercle Cyclope, qui publie chaque année depuis 1986 un rapport annuel sur l'état et les perspectives des marchés mondiaux de matières premières, « les cours du pétrole ont baissé de 20% en un mois. La Chine représentait l'année dernière une consommation de 14,5 millions de barils par jour. Ce n'est pas négligeable sur un total de 100 millions. Or, il va y avoir une baisse de la consommation en Chine, au moins au premier trimestre. Elle ne sera peut-être pas aussi importante de ce que l'on disait : les plus raisonnables parlaient de 300 à 400 barils de moins par jour, mais certains sont allés jusqu'à évoquer 3 millions de barils par jour ! C'est ce qui a probablement pesé sur les marchés. L'impression des investisseurs s'est retournée et les marchés se sont effondrés ».
De toute évidence, le commerce extérieur sera vraisemblablement frappé de plein fouet. Parmi les principaux partenaires commerciaux de l’Algérie, la Chine occupe toujours sa place de 1er fournisseur avec 7,11 mds usd (18,55% des importations algériennes globales), selon les données de la Direction générale des Douanes durant les onze mois de 2019. La possibilité de se tourner vers d’autres marchés pour remédier à cette brusque coupure dans le flux des importations chinoises va contraindre les pouvoirs publics à rechercher d’autres fournisseurs à travers le monde. Néanmoins, les choses ne seront pas aussi aisées à accomplir en termes de contrats d’achat de produits d’autres pays alors que les quantités ont été déjà commandées à l’origine auprès des partenaires chinois.
De toutes les manières, cela se répercutera sur la signature de contrats de marchés. Dans ce cas, la raison de force majeure peut jouer en faveur de l’Algérie. Mais plus rassurant, l'ambassadeur de la République populaire de Chine, Li Lianhe, a affirmé récemment à Alger que les bonnes relations qui unissent les deux pays et « le partenariat stratégique global » qui les lie, dont les échanges commerciaux, ne seront pas affectés par le coronavirus et qu'ils se poursuivront normalement. Des propos contredits par certains opérateurs économiques algériens, qui sont en porte-à-faux avec les réalités du terrain.
En effet, le président de l’Association nationale des exportateurs, Ali Bey Nasri, prévoit une flambée des produits importés de Chine à cause du coronavirus. Il explique ces hausses des prix par le ralentissement des importations à partir de la République chinoise. Ainsi, pour le président de l’Association nationale des exportateurs, le coronavirus aura des répercussions directes sur les prix des produits chinois. Il affirme que la suspension des vols vers la Chine ainsi que les liaisons maritimes conduira inévitablement à la rareté des produits importés de ce pays. Sur un autre registre, la présence des entreprises chinoises localement, particulièrement celles spécialisées dans le BTPH, fait que les Chinois sont la première communauté étrangère en Algérie (40.000 ressortissants), malgré qu’ils vivent généralement très isolés du reste de la population.
Les conséquences d’une limitation voire interdiction de circulation des ouvriers chinois va provoquer une interruption des chantiers de construction en cours, ce qui va certainement aggraver le problème des retards enregistrés dans l’avancement des projets d’habitat.
Enfin, même si le problème ne se pose pas chez nous, « le monde est confronté à de graves perturbations sur le marché des équipements de protection individuelle. La demande est jusqu'à 100 fois supérieure à la normale et les prix sont jusqu'à 20 fois plus élevés », a déclaré le Dr. Tedros lors d'un point de presse le 7 février dernier à Genève.